Pride

L’an dernier la gay pride avait un petit air de réveillon: une occasion qui devrait être festive mais qui manque parfois de spontanéité ou semble forcée.

A chaque fois que je quitte NOLA je me demande pourquoi j’y habite. Et à chaque fois que j’y reviens je guette ces signes qui font que je me sens bien ici.

J’ai trouvé Paris et Nantes belles, j’ai traversé la première en Velib et exploré la campagne de la seconde en bonne compagnie. Les vignobles et le relief m’ont rappelé l’Alsace.

A Nola j’ai été accueilli par l’humidité lourde à la sortie de l’aéroport, sensation à laquelle je suis maintenant attaché. La chauffeuse de taxi sud coréenne n’en finissait pas de dire à quel point elle n’aimait plus la Nouvelle Orleans, et cherchait à comprendre pourquoi je me réjouissais que mon Visa ait été renouvelé 2 ans.

Je suis rentré chez moi, me suis douché, ai enfilé mon costume de pédé stéréotypé (short en jean, jockstrap, harnais et t-shirt en résille) et ai pris mon vélo pour aller en ville voir la parade. En chemin je croise K, intéressé par le groupe de vélo que j’ai lancé le mardi mais que je n’avais jamais rencontré. Au moment de garer mon vélo arrivent quelques amis qui se garent au meme endroit et m’invitent à les rejoindre sur un porche. Dans la parade j’aperçois quelques têtes connues: B me prend en photo, A me lance un collier arc-en-ciel, M me fait bonjour de loin. D’autres amis arrivent et tous vont manger, je file au Pub rejoindre un autre groupe, croise en chemin d’autres têtes connues.

Un couple défilait à la parade en mariés, l’un en robe blanche et l’autre en smoking, avec une pancarte espérant qu’on ne leur retirerait pas leur “I do”.

Hier j’ai enfilé un t-shirt par dessus ma tenue pour ne pas faire “trop gay”, et ne l’ai enlevé qu’une fois dans le Quarter. Certaines lois en cours de discussion nous menacent, et il y avait eu des rumeurs de contre manifestations, alors pour la première fois depuis que je suis ici, je me suis un peu censuré, je l’ai joué discret.

Baptiste parle de moi a l’école mais si la loi passe il se devra de re rentrer dans le placard au boulot, et je ne serai plus le bienvenu aux événements organisés par l’école.

Cette année la pride était plus militante que d’habitude, et j’ai pris cette parade et ces rencontres comme un “welcome home”, un de ces moments un peu magiques qui me font me sentir bien ici. J’étais si fatigué que j’ai à peine dansé et ai été très sage. Je suis rentré tôt, ai fait quelques courses sur le chemin du retour, me suis douché à nouveau et me suis couché.

Is home where Pride is?

Laid Off

“Another blessing is coming your way” m’a dit la voisine quand j’ai partagé avoir été licencié la semaine dernière.

Pour toute notre équipe c’était un choc mais pour la plupart des gens à qui j’en ai parlé ici, c’est presque un non événement: je suis intelligent et diplômé, je vais retrouver du boulot rapidement.

Le plus gros hôpital de la ville a licencié 800 personnes la même semaine, tout le monde connaît quelqu’un d’impacté. Vendredi soir j’annonçais la nouvelle et mon ami médecin a partagé comment il avait lui aussi eu une dure semaine et avait réanimé un patient. L’histoire du petit vieux a réanimer l’a emporté et personne ne m’a demandé comment je me sentais ni quels étaient mes plans pour la suite.

Aussi brutal que soit la rupture de contrat, on n’a pas d’autre choix que de rebondir: mon accès au réseau était désactivé immédiatement, dans les deux jours qui ont suivi j’ai signé les documents et renvoyé mon ordinateur. Mon CV et mon LinkedIn sont à jour, j’ai activé mes contacts et commencé ma recherche de boulot.

Je suppose qu’il existe un équilibre entre « se poser pour prendre un peu de recul » et « passer à autre chose le plus vite possible ». Ma tendance naturelle est évidemment la première option, et je me retrouve forcé d’adopter la seconde stratégie. Découvrir une autre culture ne passe définitivement pas que par le jazz et la gastronomie cajun.

Montreal

J’ai pris bien peu de photos à Montréal. En parcourant l’album sur mon téléphone je vois pas mal de gris, alors que j’ai pris des coups de soleil Samedi et Dimanche.

J’étais fatigué, préoccupé, l’esprit ailleurs malgré l’envie de profiter au maximum de ces quelques jours avec S&J. J’ai partagé ma nouvelle passion pour le disco « sleaze », en échange de recommandations d’écouter Pierre de Maere et Tamino. On a pas mal bu, mangé et marché, dansé un peu, commandé plus de chai latte que de cafés, fait du vélo le long du canal de Lachine. On a peu visité mais beaucoup parlé, joué aux cartes. J’avais oublié ces escaliers en métal, les balcons et contre allées ; je n’y étais venu que quelques jours il y a des années, mais en compagnie de ces deux la Montréal avait quelque chose de familier.

Mardi j’avais un peu de temps à tuer avant de reprendre mon bus et me suis posé au Time Out Market. Il y avait là quelques flippers, et dans un élan de spontanéité et de légèreté, je suis allé échanger deux dollars contre deux jetons et j’ai joué quelques minutes, dans une sorte de retour en enfance, une petite parenthèse.

Granny

La dernière fois que j’ai écrit ici je m’apprêtais à retrouver ma famille pour aller fêter Noël, et je suis cette fois-ci à la veille de prendre l’avion et de passer de nouveau du temps en famille, pour des raisons bien différentes : ma grand-mère paternelle est décédée.

Cette photo date d’Août 2008, sur la plage de Kersident. Mon grand-père était parti en Janvier et ma grand-mere (à gauche) était malgré tout allée en vacances dans le Finistère, en compagnie de sa sœur (à droite, tenant le journal).

Je ne sais pas exactement pourquoi je m’étais décidé à les accompagner, ni comment j’avais convaincu mon colocataire Victor de se joindre à nous, mais nous avions passé quelques jours tous ensemble à Tréhubert, réalisant pendant le séjour qu’à nous quatre nous totalisions 200 ans.

Ce souvenir est le dernier « vrai » souvenir que j’ai d’elle à l’âge adulte. La plupart des autres mémoires sont soit des moments de l’enfance, ou alors bien plus tard des repas de familles auxquels elle assistait en silence, ou les rares visites en maison de retraite puis en EHPAD.

D’une certaine façon Annette et Christiane sont pour moi deux énigmes, tout autant que leur sœur Suzanne. J’avais écrit il y a quelques années un brouillon de nouvelle racontant chacune de leurs histoires, sans vraiment réaliser alors que faute de les connaître je m’étais résolu à les imaginer.

L’histoire racontait comment le décès prématuré d’une de ses grande-tantes avait rapproché le narrateur de sa grand-mère, et leurs conversations devenaient autant une exploration de la vie de ces femmes qu’une grille de lecture initiatique le guidant dans ses propres choix.

Mes grand-tantes sont décédées et je n’ai pas pris le temps de me rapprocher de ma grand-mère. L’histoire prétendait être à propos d’elles alors qu’elle était à propos de moi, et je n’ai pourtant pas su appliquer la leçon tirée par le narrateur à ma propre histoire.

Il y a deux choses cependant que ne fais pas trop mal : j’ai une très bonne mémoire de tout ce que j’écris, et j’archive ce que je produis. La preuve en un tweet de 2008 :

Two Drinks

Très en avance à l’aéroport, j’ai décidé – une fois passé le check-in et la sécurité – de me poser dans un bar à vin plutôt que d’attendre à la porte d’embarquement.

J’ai noté n’avoir pas eu mon verre d’eau sitôt assis, et j’ai commandé sans sourciller un verre de sauvignon blanc à 15$ (hors taxes et hors pourboire).

Je me demandais dans le dernier épisode de mes Chroniques Louisianaises si j’avais changé, depuis un an et demi, si je m’étais « américanisé. Je voyage en jogging et j’ai donné un pourboire au chauffeur Uber. J’ai pensé « oh my God, I love the South » quand l’agent de sécurité m’a dit « I’ll be right with you, my love ». Peut être que la réponse est oui.

À la table d’à côté 4 hommes de générations différentes se sont fait quelques tournées de gin tonic. Je lis sur leur visage que l’alcool fait déjà son effet. Au moment de partir on échange quelques plaisanteries et ils me serrent la main en me souhaitant de joyeuses fêtes. Au bar un monsieur chauve avec un crucifix pour pendentif flirte avec la serveuse ; un homme typé sud-américain – que j’ai vu au check-in et qui sera sur mon vol – commande un Sazerac. Deux jeunes femmes ont bu (moins disrètement qu’elles ne le pensent) des mignonettes d’alcool fort et ne savent pas quoi faire des bouteilles vides, qu’elles finissent par confier à la serveuse.

Mon voisin sur la banquette, aux ongles bleus, ferme son MacBook et demande l’addition. L’homme au pendentif en crucifix commande un second verre de vin. Je ne suis pas sûr de savoir lequel des deux je veux imiter, mais je crois que je vais prendre un second verre.