Market Street Power Plant

Vous connaissez l’expression « il a eu son permis dans un paquet de Bonux » ?

Bon ben alors que je l’un de nous (moi) fait des pieds et des mains pour remplir tout un tas de démarches administratives -faites ici une pause pour vous remémorer Astérix cherchant le bureau des renseignements- parce qu’il a un visa de seconde zone et ne bénéficie pas des privilèges accordés aux profs européens, l’autre de nous deux (pas moi) a obtenu le sien sans être sûr de bien avoir compris pourquoi.

Au delà de son assiduité à fréquenter l’Office of Motor Vehicles, il semble que le paramètre ayant le plus pesé dans la balance était qu’il était 15h50 un vendredi et que l’agence fermait à 16h. $32,5 et une photo d’identité plus tard Baptiste était en possession de son permis, sans qu’on soit sûrs qu’il ait vraiment eu son code, et sans avoir passé d’épreuve pratique.

Le soulagement est total : ce sésame va nous permettre d’acheter la voiture qu’on nous fait expédier du Texas. On est donc allés fêter ça avec une pinte de bière d’une brasserie locale (« A Saison Named Desire« ) en terrasse du Bulldog, sur Magasine Street.

On est ensuite allés se balader à vélo à la tombée de la nuit et profiter de ce qu’on apprécie le plus ici (après la fraîcheur du soir) : la variété des quartiers et des ambiances qu’offre la ville. Au delà des images « classiques » de l’architecture locale (rangées de shotgun houses, villas néocoloniales ou néoclassiques) on traverse en se rendant en centre-ville le Warehouse District aux constructions en brique rappelant Londres ou New York, puis le Central Business District aux gratte-ciels un peu défraîchis. Enfin, on traverse Canal Street, bordée de néons et de palmiers pour rejoindre le French Quarter.

Et puis au hasard de nos zigzags dans des quartiers résidentiels quadrillés de routes à sens unique au revêtement aléatoire, on découvre aussi au bord du Mississippi de quoi rappeler Berlin ou Detroit :

Hold my beer

Walmart est sans doute l’enseigne de grande distribution la plus emblématique des USA. Mon ami G. me le résumait ainsi « C’est pratique, tu peux acheter un AK47 en même temps que ton pain de mie. ».

Walmart étant aussi manifestement le seul magasin de la ville vendant des lingettes décolor’stop (c’était ça ou une commande Amazon), cela justifiait d’y déplacer ce matin les 1,5 tonnes de notre Toyota RAV4 de location pour aller en chercher 2 boîtes. (Il pleut à verse, sinon j’y serai allé à vélo, évidemment).

Le rayon des armes à feu était en fait une vitrine de taille raisonnable, gardée par une vendeuse à l’air peu commode. Je ne me suis donc pas risqué à faire une photo et je n’y ai de toute façon pas vu de fusil d’assaut, il n’y avait que quelques armes de poing et de chasse. Déception.

Au détour des allées, caressant subitement l’idée d’acheter une paire de sièges de camping pliants (à garder dans le coffre de notre futur SUV) et une glacière de taille déraisonnable (le concept ici est d’aller à la station service la plus proche acheter 10kg de glace pilée pour 5$ et d’y noyer ce qu’on souhaite rafraîchir), je me suis rappelé ce que m’avait dit un ami avant de partir : « tu vas voir, tu vas résister un peu au début, mais c’est très tentant de se laisser aller et d’adopter le style de vie à l’américaine ».

Et puis à droite des caisses, juste à côté du rayon clearance, quelques employés s’affairaient à mettre en place un rayon thématique. Alors que je m’étonnais hier des décos de Halloween chez Home Depot, Walmart semblait me dire « Hold my beer » en proposant ceci :

Booo

J’ai atterri ici le samedi 29 Août.

Ma première sortie le lundi 31 a consisté à me rendre chez Home Depot acheter une clé de 15 dans le but de pouvoir serrer les roues de mon vélo. Ce fût l’occasion d’une grosse ballade à pied, et de découvrir S Clairborne Ave, artère structurante de la ville, bordée de fast foods, de déchets, de magasins plus ou moins douteux et de mendiants. De notre côté de la ville, l’avenue sépare Uptown et MidCity quartiers plutôt cossus, mais à la Nouvelle Orléans il suffit souvent de parcourir quelques blocs pour passer de maisons coloniales incroyables à des alignements de shotgun houses délabrés.

Évidemment, il y avait chez Home Depot toutes sortes d’outils SAUF celui dont j’avais besoin. Je suis donc reparti chez moi avec une clé à molette et j’ai pu réassembler mon vélo en me promettant que c’était la première et la dernière fois que je parcourais cette avenue douteuse et sans intérêt à pied.

Tous les guides touristiques vantent l’esprit festif de la ville et la propension de ses habitants à se déguiser et il semblerait que Halloween soit pris très au sérieux. Chez Home Depot – 2 mois précisément avant la date de l’événement – j’ai pu observer l’installation du stand de décorations orange citrouille, alors que je patientais à la caisse, 6 pieds derrière le client me précédant.

Au cours de mes virées à vélo dans le quartier j’ai noté çà et là quelques décorations sur les porches des maisons, suffisamment éparses pour laisser planer le doute : ont-elles été installées récemment ou sont-ce celles de l’année passée ?

Mon passage au supermarché hier n’a pas laissé de doute, il est manifestement temps de nous y mettre :

Cli-ché

Ce week-end on a mangé de l’alligator, fait des provisions en prévision de la prochaine tempête tropicale « Sally », regardé les Saints (équipe de football américain locale) gagner dans un stade vide, au son de nos voisins chantant « Who dat? Who dat? Who dat say dey gonna beat dem Saints? » et on est en train d’acheter un SUV. Qui a dit cliché ?

On a aussi découvert une petite partie de City Park et de Bayou St-John. Je ne sais pas si on s’en lassera, mais cette végétation a quelque chose de fascinant!

French Quarter

Le Quartier Français est le plus touristique et le plus gay de la Nouvelle Orléans. Il aurait dû être ce week-end l’épicentre d’un festival supposé être « comme la gay-pride, en mieux » mais il était bien vide lors de notre promenade hier.

« The city is unusually quiet » a commenté notre voisine Beth, qui faisait remarquer que beaucoup de locaux étaient en vadrouille, profitant d’un week-end de 3 jours grâce au lundi férié de Labor Day, mais que la ville était quasi déserte de touristes en raison de la fermeture des frontières et de l’annulation de la plupart des événements.

On profite donc d’un moment particulier, privilégiés de profiter d’une ville exempte de visiteurs, mais dépourvue de la vie qui l’anime habituellement. Et pourtant, rue Bourbon, une femme laisse entendre sa voix soul soutenue par sa guitare et par un batteur discret. Plus loin sur la place à côté du marché français, c’est un groupe complet qui anime une terrasse de sonorités blues. On devine ce qu’est l’âme du quartier et on a hâte – autant que les locaux certainement – de le voir sortir de cette hibernation subie et reprendre peu à peu vie.

Bike Shop Bingo Alleycat

J’ai dû faire pas mal de choix au moment d’emballer mes affaires, et ai certainement pris de mauvaises décisions (trop de chemises, pas assez de shorts), mais s’il y a une chose que je ne regrette pas, c’est d’avoir emballé mon vélo et l’avoir emporté ici.

Outre le fait que l’incompétence de l’employé Delta à Francfort ait oublié de me facturer son transport, il se trouve que nous sommes dans une relative période de pénurie de vélos et qu’il y a un plaisir non négligeable à rouler un vélo que l’on connaît dans un environnement nouveau.

J’avais connu ce plaisir en emportant quelques fois mon pignon fixe à Paris et en roulant jusqu’à Vienne avec mon vélo de rando, mais cette fois il ne s’agit pas de parcourir différemment des villes que je connais déjà, mais de me familiariser avec un environnement nouveau via le prisme du déplacement à vélo.

Après deux balades dans les alentours de mon quartier, le vrai baptême du feu fût hier soir une course d’orientation avec les cyclistes du Nola Fixed Cycling Club. Fort heureusement, j’avais pu préparer la carte dans l’après midi et ai pu relier sans trop de mal Lafayette Square au ponts de l’interstate 10 franchissant le Mississipi. Les yeux rivés sur le GPS j’ai roulé jusqu’à chacun des 6 checkpoints imposés. Slalomant entre les nids de poule, dans la chaleur et l’humidité de la nuit à 33° de latitude, j’ai deviné sur mon chemin des rues et des quartiers que je ne connais pas encore et que j’ai hâte de découvrir.

Ici NOLA

Après 24h de transport porte à porte, un passage sans encombres aux services de l’immigration américaine, une arrivée sans retard de mes 3 bagages, retrouver Baptiste après 3 semaines intenses mais séparés, le remontage de mon vélo, l’installation d’internet et d’une nouvelle carte SIM, me voilà équipé pour réellement débuter ce projet un peu fou et vous en faire part ici!

Moving in, moving out

Pendant que Baptiste se charge à NOLA de notre installation sur Napoleon Avenue, notamment en rachetant l’essentiel au locataire précédent (un lit, un aspirateur, une serpillère, un fer et une table à repasser), je m’occupe de mon côté de clôturer tout ce qui doit l’être ici dans cet appartement que l’on a occupé 5 ans.

J’ai déjà déménagé quelques fois, mais celle-ci est différente. Lorsque j’ai quitté Nantes pour Lyon, ou Lyon pour Strasbourg, j’ai pu à chaque fois emmener tout ce dont j’avais besoin ; lorsque je suis parti étudier à Vienne ou Paris j’ai pris le strict nécessaire et en laissant derrière moi tout un tas de biens que je retrouverai au bout de quelques mois ; lorsque j’ai bougé de Strasbourg à Strasbourg il s’agissait de vider un appartement pour en remplir un autre, à deux, (presque) sans limite de place, sans devoir se séparer des plantes ou vider les placards de bouffe, sans trop devoir choisir ce qu’on prend, ce qu’on vend, ce qu’on jette.

Cette nouvelle configuration est presque une synthèse de toutes les précédentes : une nouvelle étape de vie dans une nouvelle ville, un emménagement à deux, quelques valises avec l’essentiel et quelques cartons et meubles laissés derrière.

Seule constante d’un déménagement à l’autre : les acheteurs sur LeBonCoin sont insupportables.